L’enchère au premier prix n’est pas la solution miracle aux problèmes du marketing programmatique

Dans le paysage numérique actuel, les structures d’enchères programmatiques évoluent rapidement, et il arrive souvent que les acheteurs perdent des enchères qu’ils auraient dû remporter. Alors que les plateformes d’offre (supply-side platform – SSP) et les plateformes de demande (demand-side platform – DSP) se sont orientées vers les enchères au premier prix, dans l’espoir de régler le problème, elles nient que ce changement augmente les coûts pour les acheteurs. Nous avons récemment mis ces revendications à l’épreuve dans le monde réel et avons découvert que le passage aux enchères au premier prix augmentait les coûts, même avec des mesures d’atténuation. Ben Hovaness, directeur exécutif de l’activation numérique chez Hearts & Science, a élaboré un plan en trois étapes pour simplifier la stratégie d’enchères et aider à clarifier la situation concernant les enchères programmatiques.

Sommaire

Sur bon nombre de grandes SSP, des quantités croissantes d’inventaire programmatique sont vendues lors d’enchères au premier prix (first-price auction – 1PA), dans lesquelles le gagnant paie le prix de son enchère. Cela représente une différence par rapport aux enchères au second prix (second-price auction – 2PA), dans lesquelles le gagnant paie l’enchère suivante, modèle qui prévalait normalement dans le programmatique. Les SSP qui passent au modèle 1PA disent que ce changement devrait être avantageux pour les acheteurs, car il corrige le défaut de conception actuel du système 2PA, dans lequel le plus offrant ne l’emporte pas toujours. Certaines SSP et DSP ont également affirmé que le passage à la norme 1PA devrait avoir un coût neutre pour les acheteurs une fois qu’ils auront adapté leurs stratégies d’enchères.

La théorie des enchères prédit que cette affirmation de neutralité des coûts est inexacte; or, nos tests dans le monde réel confirment cette prédiction. Selon nos données, pour un ensemble d’inventaire donné, il est préférable que les annonceurs achètent sur une SP qui utilise le modèle 2PA. Cette constatation est vraie même lorsqu’on utilise un enchérisseur automatique sur une DSP pour acheter l’inventaire 1PA. Dans un tel cas, l’inventaire à prix 2PA coûte toujours moins cher. Les annonceurs peuvent et doivent ajuster leur chaîne d’approvisionnement programmatique en conséquence, c’est-à-dire transférer les investissements vers des inventaires au prix de 2PA si possible et négocier des accords de marché privé (private marketplace – PMP) à prix fixe avec leurs plus grands éditeurs. Toutefois, ces stratégies d’atténuation à court terme ne suffiront pas.

Le système d’enchères programmatiques devrait être restructuré pour devenir un modèle 2PA classique à une étape. Cela préserverait les avantages du modèle actuel 1PA (le plus offrant l’emporte toujours) tout en ajoutant les avantages d’un système 2PA (une enchère véridique est optimale). On pourrait y arriver grâce aux réformes suivantes:

  1. Les SSP doivent transmettre à l’éditeur toutes les enchères pour obtenir une impression, et ne pas se limiter à la plus élevée.
  2. Les éditeurs doivent mener une enchère claire et nette au second prix. Des prix planchers peuvent être définis pour l’inventaire, mais il faut éliminer les pratiques consistant à mener une enchère au premier prix et une discrimination par les prix (prix variables par annonceur non lié à un accord de PMP).
  3. Les SSP et les éditeurs doivent se soumettre à des audits réalisés par une tierce partie neutre afin de garantir la conformité avec les points 1 et 2.

Cette combinaison de changements rendrait le marché beaucoup plus convivial pour les annonceurs en simplifiant la stratégie d’enchères et en levant les doutes qui pèsent sur les enchères programmatiques, et elle permettrait de préserver, voire de rehausser, les rendements des éditeurs. Hearts & Science travaillera avec des partenaires de la chaîne logistique programmatique pour réaliser cette vision.

Les fondements des enchères

Figure 1 : Valeur privée, prix de vente et surplus des acheteurs

Cela fait des milliers d’années que les enchères sont utilisées pour vendre des articles dont le prix est difficile à établir. Il existe une immense variété de formes de vente aux enchères, mais le présent document se concentre sur deux d’entre elles: les ventes aux enchères scellées au premier prix (1PA) et les ventes aux enchères scellées au second prix (2PA), les deux formes qui dominent le paysage médiatique numérique. Les acheteurs doivent suivre différentes stratégies d’enchères en fonction de la formule utilisée (1PA ou 2PA), mais ils chercheront généralement à maximiser la différence entre la valeur que leurs clients ou eux-mêmes accordent à un article (leur « valeur privée ») et ce qu’ils paient finalement pour cela (le « prix d’équilibre »).Cette différence s’appelle « surplus de l’acheteur ».

Dans le modèle 1PA, le plus offrant gagne et paie le montant de son enchère, peu importe le comportement des autres enchérisseurs. En revanche, dans le modèle 2PA classique, le plus offrant remporte l’enchère, mais paie le montant enchéri par le deuxième enchérisseur. Cela est vrai même si le plus offrant attribue à un élément une valeur considérablement supérieure à celle de l’enchérisseur suivant. Dans tous les cas, celui qui l’emporte paie le montant de la seconde enchère. Par extension, le même montant d’enchère donnera un prix d’équilibre différent selon que l’enchère suit le modèle 1PA ou 2PA.

Ce phénomène a une incidence directe sur la stratégie d’enchères optimale pour chacune de ces formules. La stratégie dominante dans 1PA est de deviner le montant de l’enchère la plus basse: soit la valeur privée de l’enchérisseur, soit le montant enchéri par le deuxième plus offrant, afin de l’emporter. Contrairement à ce que certains observateurs ont écrit, il est sous-optimal d’enchérir votre valeur privée dans la formule 1PA, car cela fait disparaître la possibilité d’un surplus d’acheteur D’autre part, les 2PA sont compatibles avec l’incitation d’une stratégie dominante (dominant-strategy incentive compatible – DSIC), ce qui signifie que la meilleure stratégie, ou stratégie « dominante » pour les enchérisseurs consiste à miser leur valeur privée. 2

La stratégie d’offre dominante simple offerte par la formule 2PA profite à la fois aux acheteurs et aux vendeurs. Les enchérisseurs ne sont pas obligés de se préoccuper de déterminer une offre optimale distincte de leur valeur privée. Les vendeurs, dans l’hypothèse d’un ensemble constant d’enchérisseurs, devraient recevoir un prix de vente moyen identique à celui qu’ils auraient reçu lors d’une enchère au premier prix (nous en dirons davantage plus loin).

En pensant au marché de manière plus dynamique, l’élégance de la formule 2PA devrait donner aux autres enchérisseurs la confiance nécessaire pour acheter des annonces aux enchères, ce qui ferait augmenter les revenus des éditeurs!

Les enchères programmatiques au second prix se démarquent

En raison de ces avantages, les enchères au deuxième prix ont été largement adoptées dans les médias numériques, Google et Facebook étant les principales entreprises qui utilisent des variantes d’enchères au deuxième prix pour vendre des milliards de dollars d’inventaire publicitaire numérique chaque année. Étant donné que toute la demande d’annonces liées aux recherches sur Google et d’annonces sociales Facebook cible directement ces entreprises par le biais de leurs systèmes propriétaires, toutes les offres sont regroupées dans chaque enchère pertinente. Par conséquent, ces enchères suivent de près le modèle classique des enchères 2PA. En revanche, la formule 2PA programmatique diffère considérablement du modèle classique.

Figure 2: Position de l’enchère d’en-têtes au sommet de la « cascade » programmatique

La demande en annonces programmatiques étant diffusée sur de nombreuses DSP, les éditeurs numériques s’appuient sur les SSP pour regrouper la demande de leurs inventaires. Comme chaque DSP n’est pas intégrée à chaque SSP, les éditeurs emploient plusieurs SSP pour répondre au mieux à la demande. À l’origine, les SSP avaient la possibilité d’enchérir en séquence, chaque éditeur se retrouvant dans la liste des SSP partenaires jusqu’à ce que l’un d’eux transmette une mise supérieure au prix plancher. Cette approche séquentielle en « cascade » était assez simple, mais aboutissait à un manque à gagner pour les éditeurs, car les SSP n’avaient jamais à faire concurrence directement dans des enchères unifiées. L’enchère d’en-têtes (« header bidding ») a été conçue pour résoudre ce problème, car cela oblige toutes les SSP à miser en même temps dans une enchère instantanée destinée aux éditeurs et maximisant leurs rendements.3

La mise en œuvre des enchères d’en-têtes a toutefois brisé la logique du modèle 2PA classique. À présent, les SSP reçoivent chacune les offres DSP, mènent une enchère 2PA, puis répercutent le prix d’équilibre sur l’éditeur. Lorsqu’il reçoit plusieurs prix d’équilibre d’enchères 2PA de SSP pour une impression donnée, l’éditeur procède à une enchère 1PA en sélectionnant le prix d’équilibre le plus élevé parmi l’ensemble des enchères de SSP. Étant donné que ces enchères se déroulent en deux étapes (2PA sur la SSP, puis 1PA auprès de l’éditeur), cela détruit la qualité DSIC de la formule 2PA classique, car le plus offrant initial n’a aucune garantie de l’emporter.

Le diagramme ci-dessous illustre ce problème:

Figure 3: Le problème: dans le modèle 2PA, il arrive que le plus offrant ne l’emporte pas

Le passage aux enchères au premier prix

L’utilisation de 2PA sur les SSP pour les en-têtes a créé des problèmes de stratégie d’enchères pour les annonceurs, qui ne pouvaient pas être assurés qu’une mise élevée leur permettrait de l’emporter. Et pour les SSP, cela créait un problème de nature commerciale. En effet, les SSP ont un modèle d’affaires fondé sur une commission, un « taux de marge » (« take rate »), sur les mises gagnantes. Par conséquent, leur incapacité à soumettre l’offre reçue la plus élevée sans modification à l’enchère finale nuit à leur taux d’enchères remportées et, par conséquent, à leurs revenus.4 Même lorsqu’une SSP remportait une enchère, son taux de marge était fonction de la seconde offre seulement, ce qui réduisait encore plus ses revenus. En guise de contre-mesure, les SSP ont souvent ajusté de manière non transparente la mise transmise à l’éditeur, de sorte qu’il ne s’agissait plus d’un véritable second prix.5 Cette façon de faire a gonflé les revenus des SSP, mais a diminué la confiance des annonceurs dans l’intégrité du système d’enchères.

Enfin, si le passage aux enchères d’en-têtes a forcé les SSP à se faire concurrence, cela n’a pas permis de regrouper complètement la demande des annonceurs. L’atténuation des mises entre annonceurs et éditeurs demeure importante. Comme l’illustre le modèle simple de la figure 3 ci-dessus, quatre annonceurs peuvent soumissionner sur deux SSP, mais l’éditeur ne verra que deux enchérisseurs. Cela signifie que l’éditeur ne peut mener sa propre enchère 2PA sans réduire ses revenus.

Les enchères au premier prix dans les SSP ont été envisagées comme un moyen de résoudre tous ces problèmes d’un seul coup. Après tout, si l’enchère en deux étapes correspond à une enchère 1PA pour les deux étapes, un enchérisseur peut être convaincu qu’il l’emportera s’il présente l’offre la plus élevée parmi tous les enchérisseurs, sur toutes les SSP. De manière concordante, les taux d’enchères remportées d’une SSP devraient être identiques au pourcentage du temps pendant lequel une SSP offre la mise la plus élevée parmi ses concurrents. Les retombées sont positives sur le plan des affaires: pour un ensemble donné de mises, les revenus de la SSP devraient augmenter. La confiance des annonceurs dans l’intégrité du système d’enchères devrait également être renforcée, car les prix d’équilibre des enchérisseurs retenus devraient être identiques à ceux des mises soumises par leur DSP.6

Figure 4 : Les enchères au premier prix permettent de faire gagner le plus offrant, mais elles augmentent les coûts

Malheureusement, le passage à la formule 1PA n’est pas gagnant pour les annonceurs, pour deux raisons principales. Premièrement, les coûts vont augmenter. Deuxièmement, il est impossible de construire une stratégie d’enchères optimale. Ces deux prédictions sont fondées sur la littérature existante concernant la théorie des enchères et sont étayées par nos tests. Le reste de cet article examine les fondements théoriques de nos affirmations, les résultats de nos expériences sur le terrain et les recommandations que nous adressons aux annonceurs.

Théorie des enchères

Pourquoi le passage à la norme 1PA augmente-t-il directement les coûts des annonceurs? William Vickrey est le fondateur de la théorie moderne des enchères, comme en témoigne le fait que l’enchère au deuxième prix à offre scellée (présentée ci-dessus) est couramment appelée « enchère de Vickrey » en son honneur. Son mémoire daté de 1961, « Counterspeculation, Auctions, and Competitive Sealed Tenders », le champ de la théorie de la vente aux enchères, a désigné un concept fondamental, celui de l’équivalence de revenu. Vickrey a utilisé des outils de la théorie des jeux pour démontrer que si certaines conditions étaient remplies, quatre types d’enchères standard généreraient des revenus équivalents pour les vendeurs (et des prix équivalents pour les gagnants des enchères):

  1. Enchères au deuxième prix à offre scellée avec mise unique (Vickrey – 2PA classique)
  2. Enchères au premier prix à offre scellée avec mise unique (aveugle – 1PA)
  3. Enchères au premier prix à offre ouverte croissante (à l’anglaise)
  4. Enchères au premier prix à offre ouverte décroissante (à la hollandaise)

Les enchères Vickrey et en aveugle sont respectivement comparées aux enchères 2PA et 1PA de la publicité programmatique. Mais c’est une erreur, car les 2PA programmatiques s’écartent de la conception classique en ne respectant pas les exigences d’équivalence de revenu. Le théorème d’équivalence de revenu de Vickrey exige que les conditions suivantes soient remplies pour s’appliquer à un modèle d’enchère donné:

  1. Le mécanisme de vente aux enchères doit toujours attribuer l’article au plus offrant.
  2. Les enchérisseurs doivent être neutres en matière de risque.
  3. Les enchérisseurs affectent à l’article des valeurs indépendantes et non corrélées.

Comme le montre la figure 1 ci-dessus, les enchères programmatiques au second prix ne répondent pas à ce premier critère, car l’impression n’est pas toujours attribuée au plus offrant. Il arrive qu’un annonceur ayant une mise plus basse l’emporte. Par conséquent, les 2PA et 1PA programmées ne remplissent pas la condition d’équivalence de revenu.7

On peut aller plus loin, sans se contenter de dire que les deux formules ne sont pas équivalentes en matière de revenu. Étant donné que l’enchère 2PA programmatique attribue parfois des impressions à des moins offrants, il est mathématiquement certain que les prix d’équilibre moyens seront plus élevés dans une formule 1PA.8

Pourquoi est-il impossible de construire une stratégie d’offre dominante dans une 1PA programmatique? Il est facile d’élaborer une stratégie dominante dans une enchère au second prix: en effet, une 2PA classique est totalement compatible avec l’incitation. Il suffit à l’enchérisseur de connaître sa valeur privée et d’en faire sa mise. Le mécanisme de l’enchère fait le reste, en veillant à ce que le plus offrant saisisse le maximum de surplus d’acheteur possible.9

Les enchères au premier prix avec offres scellées appellent une stratégie plus complexe, fondée à la fois sur la probabilité et sur l’évaluation privée d’un article par l’enchérisseur. Après tout, si un enchérisseur valorise un véhicule média à un CPM de 10 $, mise 10 $ et l’emporte à 10 $, aucun excédent n’est généré. Les enchérisseurs doivent donc élaborer une stratégie incluant une réduction des mises (« bid shading »), à savoir la diminution de leur valeur privée pour donner une offre qui saisit un surplus, mais qui l’emporte sur des concurrents dont les valeurs privées sont moindres. En termes simples, plus de compétition se traduit par moins d’écart entre la valeur privée et l’enchère optimale. Le calcul sous-jacent est présenté en détail dans un article de blogue sur Mathalicious, mais la leçon est facile à retenir: contre « n » rivaux, la stratégie dominante est de miser n/(n+1) de sa valeur privée. Le visuel ci-dessous montre comment cela se passe dans le cas où la valeur privée d’un enchérisseur est de 5$:

Figure 5: Stratégie d’enchères optimale dans 1PA: « bid shading »

Malheureusement, cette approche idéale de « bid shading » est impossible à mettre en œuvre sur le plan technique dans le monde de la publicité programmatique, à cause du manque d’informations du côté des annonceurs. Bien que les annonceurs aient accès à certains paramètres liés à l’enchère, comme les valeurs des mises, les prix d’équilibre et les taux d’enchères remportées, ils ne connaissent pas le nombre d’enchérisseurs concurrents. En fait, aucune partie de la chaîne d’approvisionnement programmatique ne voit toutes les mises:

  • Un annonceur peut voir ses propres mises, mais pas celles des autres annonceurs.
  • Une DSP peut suivre toutes les mises effectuées pour une impression donnée, mais pas celles des autres DSP.
  • Une SSP peut voir toutes les mises reçues pour une enchère donnée, mais pas celles des autres SSP.
  • Un éditeur ne voit pas toutes les mises, mais seulement le sous-ensemble qui survit à l’enchère 1PA de chaque SSP.

L’élaboration d’une stratégie dominante d’enchère 1PA nécessite des informations dont personne ne dispose dans la programmatique: le nombre de concurrents d’un annonceur donné dans chaque enchère. En l’absence de cette information, il est impossible de construire une stratégie d’enchères dominante pour 1PA.10 Les enchérisseurs obtiendront nécessairement des résultats non optimaux par rapport à ce qu’ils pourraient obtenir avec une 2PA classique, qui ne nécessite pas de connaître le volume des enchérisseurs concurrents.

La théorie des enchères prédit que le passage de l’enchère programmatique 2PA à la 1PA aura des effets négatifs pour les annonceurs. Indépendamment des modifications apportées par les annonceurs à leur stratégie d’enchères, il est mathématiquement certain que les prix d’équilibre augmenteront. Par ailleurs, la carence d’information dans l’environnement de vente aux enchères empêche les enchérisseurs de mettre en œuvre une stratégie dominante pour 1PA.

Résultats empiriques

Nous avons cherché à savoir si les prévisions de la théorie de la vente aux enchères seraient corroborées par des tests sur le terrain dans l’environnement actuel des enchères programmatiques.

Hypothèse

Reconnaître que, lors d’une enchère en deux étapes, l’utilisation d’une enchère au second prix dès la première étape peut entraîner des pertes indésirables parce qu’un second prix non compétitif est transféré à la dernière enchère au premier prix.

Nous émettons l’hypothèse que ces pertes sont néanmoins compensées par le surplus d’acheteur supérieur qui est produit par l’enchère au second prix.

Design expérimental

Notre test a été conçu pour être aussi favorable que possible aux enchères 1PA. De nos trois cellules, une seule était une enchère 2PA. Les 1PA ont bénéficié de l’avantage d’une cellule avec un enchérisseur automatique. Nous avons supposé que si nos prévisions concernant les effets du changement de type d’enchère étaient inexactes, les 1PA utilisant l’algorithme d’enchères d’une DSP dépasseraient facilement les 2PA qui utilisent une stratégie de mises fixes.

Figure 6 : Notre test à trois cellules

Pour construire les cellules de test, nous nous sommes appuyés sur les rapports des SSP concernant leur type d’enchères, les indications de notre DSP et la confirmation de la couverture dans la presse spécialisée dans le secteur de la publicité. Les cellules de test 1PA utilisaient uniquement les SSP qui avaient publiquement basculé vers ce format d’enchères. Pour notre cellule de test 2PA, tous les médias passaient par une seule SSP qui était largement connue pour ne mener que des 2PA.

Les cellules de test ont fonctionné simultanément sur une DSP unique, toutes avec une cible démographique simple desservant l’ensemble des États-Unis. Tous les médias ont été achetés exclusivement auprès de vendeurs autorisés, selon les indications des fichiers ads.txt des éditeurs. Nous savons donc qu’aucun inventaire ne constituait une « arnaque ». Chaque cellule de test présentait également le même taux quotidien de dépenses afin de contrôler le volume de la demande comme facteur de confusion.

Contrôles analytiques

Conscients de la complexité, nous avons pris des mesures pour contrôler certains facteurs lors de notre analyse de la performance:

  • Nous avons limité notre analyse aux éditeurs dont les livraisons étaient importantes dans les trois cellules de test.
  • Étant donné que les prix des différents blocs d’annonces (300 x 250, 728 x 90, etc.) varient, nous avons contrôlé le type de bloc.

Résultats

Nous avons constaté que notre cellule de test 2PA avec des offres fixes surpassait les deux cellules 1PA. Bien que le recours à une SSP automatique ait réduit les prix d’équilibre par rapport à la cellule 1PA avec des offres fixes, ces prix étaient toujours supérieurs à ceux renvoyés par la cellule d’enchères 2PA.

Figure 7: Résultats agrégés: CPM et vCPM (CPM de mise fixe au second prix indexé à 100)

Il n’y avait pas de variation significative du taux de visibilité ou de la précision de livraison au cours de la démonstration dans nos cellules de test, ce qui nous indique que nous servions un inventaire de qualité constante et que nous atteignions les mêmes types d’utilisateurs. C’est une constatation importante, car elle contredit toute affirmation selon laquelle les 1PA donnent accès à un inventaire « plus premium ».

Figure 8: Résultats groupés: Visibilité et précision lors de la démonstration

Nous avons également constaté que ces modèles étaient répétés d’un éditeur à l’autre, même quand nous contrôlions les variations dans la composition du bloc d’annonces :

Figure 9: Résultats par éditeur

Dans 14 des 15 éditeurs que nous avons analysés (c’est-à-dire des éditeurs dont les livraisons ont été importantes dans les trois cellules de test), nous avons constaté que notre cellule 2PA avec offres fixes dépassait la cellule 1PA avec l’enchérisseur automatique de la DSP. Il est probable que si nous avions exploité une quatrième cellule, en utilisant 2PA combiné à l’enchérisseur automatique de la DSP, la performance relative de 2PA aurait été encore meilleure.11

Des pistes pour des recherches futures

Il est possible que les améliorations apportées aux algorithmes d’enchères des DSP réduisent l’écart entre les prix d’équilibre 2PA et 1PA. Si la différence s’amenuise suffisamment (< 2 %), les arguments concernant la conception du mécanisme de vente aux enchères seraient confinés au champ de la théorie. Nous continuerons d’évaluer les algorithmes d’enchères des DSP à mesure qu’ils s’améliorent.

Les SSP se lancent également dans le jeu de l’optimisation des enchères: certaines offrent un algorithme de réduction des mises (« bid shading ») des offres sans frais supplémentaires, ce qui, d’après nos tests préliminaires, a permis de réduire les prix d’équilibre de 1PA en deçà des niveaux décrits ci-dessus. Les 2PA sont toujours moins chers que les 1PA quand on applique la réduction des mises sur les SSP, mais il faut encore étudier cette approche.

Et maintenant?

Voici notre recommandation adressée aux annonceurs. La théorie et nos données expérimentales vont dans le même sens: les enchères 1PA sont globalement défavorables aux annonceurs. Chaque fois que le même inventaire est accessible via les types 1PA et 2PA, les annonceurs devraient généralement donner la préférence à 2PA. Précisons que notre recommandation n’est pas d’éviter les 1PA systématiquement et en toutes circonstances, car il existe un compromis entre la formule 2PA en deux étapes: elle offre des prix plus bas, mais le plus offrant ne remporte pas forcément l’enchère. En conséquence, les annonceurs doivent adapter leur stratégie d’inventaire aux besoins de leurs campagnes.

Les conseils visant à donner la préférence aux enchères 2PA s’appliquent le mieux aux achats à grande échelle et largement ciblés qui visent à acquérir une petite fraction seulement de l’inventaire pertinent. Dans les cas où il est essentiel de remporter autant d’enchères que possible, les annonceurs devraient être plus disposés à participer à des enchères 1PA tant qu’ils ont activé la réduction des mises (« bid shading ») dans leur DSP. Par exemple, il ne serait pas conseillé de rejeter les enchères 1PA dans des campagnes sur un marché local visant à saturer une audience cible, de reciblage en commerce électronique ou ciblant une petite liste de clients potentiels CRM.

Les marchés privés (private marketplace – PMP) offrent un moyen de sortir du bourbier des enchères programmatiques, avec certaines limitations. Il est possible pour les annonceurs ou leurs agences de négocier des contrats à prix fixe sur les PMP, garantissant à l’acheteur un prix d’équilibre stable dans le temps. Le compromis est que chaque accord doit être négocié et contrôlé individuellement. Il incombe donc à l’acheteur de s’assurer que le prix est juste et que l’accord est liquide. Après tout, une transaction qui coûte plus cher qu’un marché ouvert ou qui est incapable de livrer un certain volume ne présente aucun intérêt. En fin de compte, l’utilité de ces accords sur les PMP est limitée à la fois par les compétences de négociation et d’administration de l’annonceur, et par la volonté des éditeurs de définir des conditions favorables.

La plupart des annonceurs doivent participer à un certain nombre d’enchères 1PA et doivent donc entreprendre des expériences telles que celles décrites dans le présent article afin de déterminer quelle combinaison de méthodes de réduction des mises sur les DSP et les SSP donne les meilleurs résultats pour leurs campagnes. Les annonceurs devraient également orienter leurs investissements vers des offres de PMP à prix fixe négociées et administrées avec prudence. Pour la plupart des annonceurs, il serait avantageux de faire appel à une agence telle que Hearts & Science pour concevoir, mettre en œuvre et évaluer les résultats d’un tel régime de test de stratégie d’enchère, ainsi que pour négocier et gérer les accords de PMP.

Proposition pour le développement futur du système d’enchères

L’adoption des enchères d’en-têtes et du système 1PA a eu des avantages, mais cela a produit un système d’enchères gravement défectueux. Du point de vue de la stratégie d’enchères, les enchères programmatiques sont hostiles aux annonceurs par rapport à leurs homologues des moteurs de recherche et des réseaux sociaux. L’auteur du présent article ne suggère pas que le système programmatique 2PA actuel est la solution. Au contraire, il l’est seulement pour les annonceurs. Le programme 2PA existant est généralement supérieur au système 1PA actuellement mis en place par diverses parties intéressées.

À l’avenir, nous devrions travailler en tant qu’industrie pour migrer vers une 2PA à une étape. Facebook et Google l’ont compris il y a des années et ont construit leurs systèmes d’enchères en conséquence. L’agrégation de toutes les offres des annonceurs en une seule enchère au deuxième prix est la conception optimale pour la vente d’annonces en ligne, car un tel système permet de faire ceci:

  1. Attribuer toujours une impression donnée au plus offrant
  2. Permettre une stratégie dominante simple pour l’enchère
  3. Ne nécessiter qu’une seule enchère (faible latence)
  4. Maximiser le rendement de l’éditeur, car
    • Toutes les mises sont transmises à l’éditeur, sans atténuation de celles-ci
    • Les revenus augmentent à mesure que de plus en plus d’enchérisseurs se joignent à une enchère12

Pour que cette transition soit avantageuse pour les éditeurs, il est essentiel que toutes les mises des annonceurs leur soient transmises avant la transformation en 2PA véritable. Passer à 2PA sans effectuer ce changement d’abord aurait pour conséquence une baisse des rendements des éditeurs en raison du contexte actuel de carence artificielle des mises.

La restructuration du système de vente aux enchères sera une entreprise importante. Il existe également de nombreux moyens techniques permettant d’atteindre l’objectif d’un 2PA uniforme en une seule étape, qui capture toutes les mises des annonceurs. Un prochain article explorera les mécanismes permettant d’atteindre cet objectif d’un point de vue technique.

Même si nous apportons ce changement structurel, il ne suffit pas de refléter la conception des enchères. Les enchères programmatiques doivent également devenir aussi fiables et prévisibles que celles menées par Google et Facebook. Pour établir la crédibilité de ce nouveau système et échapper à la longue ombre de comportements répréhensibles du passé, les éditeurs doivent se soumettre à un audit de vente aux enchères mené par une tierce partie désintéressée comme le Media Rating Council (MRC).

Conclusion

Les enchères sont le moteur de la publicité numérique moderne. Chaque jour, des milliards d’impressions coûtant des centaines de millions de dollars sont mises aux enchères, vendues et livrées aux États-Unis.13 La conception des enchères a donc une importance économique correspondante pour tous les acteurs de la publicité numérique. D’une manière ou d’une autre, les enchères ont toutefois réussi à éviter tout examen minutieux (et les appels correspondant à la normalisation et à la transparence) qui aurait dû être le résultat de questions telles que la sécurité des marques et leur visibilité.

Il faut que ça change. À l’heure actuelle, les ressources des annonceurs, qui financent l’ensemble de l’écosystème, sont gaspillées dans l’opacité et la complexité inutiles du système actuel d’enchères programmatiques. Alors que les annonceurs peuvent et doivent prendre des mesures telles que la réduction des mises (« bid shading ») pour faire face à la fragmentation actuelle, il est dans leur intérêt à long terme d’exiger un système d’enchères transparent et vérifié de manière indépendante qui prenne en charge des stratégies d’enchères simples. Hearts & Science a la ferme intention de travailler avec ses clients et partenaires pour en faire une réalité.

Remerciements

Elijah Halpern, Sam Hochman et Ryan Verklin de l’équipe d’activation numérique de Hearts & Science ont été d’une aide inestimable pour la conception, l’exécution et l’analyse de nos tests de différents types d’enchères. Sans leurs contributions, les arguments de cet article manqueraient de valeur empirique.

Chris Principe, directeur principal de l’activation numérique chez Hearts & Science, m’a patiemment expliqué l’évolution des SSP en cascade vers les enchères d’en-têtes. Si cette section de cet article est cohérente, c’est à lui que je le dois. Chris était également indispensable à la révision et à l’intégration des commentaires sur l’ébauche de l’article.

Greg Dreifus et Mark Oster, de Resolution Performance Media, ont fait beaucoup de commentaires sur cet article et ont donné des informations plus détaillées sur les fondements techniques du système d’enchères. Notre conversation sur les compromis entre les différents systèmes d’enchères a façonné la section « recommandation pour les annonceurs ».

Megan Pagliuca, directrice de la stratégie numérique chez Hearts & Science, a offert soutien, encouragement et patience.

Michael Griffiths a exercé sur ce projet son œil d’aigle inimitable, repérant des phrases maladroites et traquant les partis pris intellectuels.

D’après ce que je sais, Julie Van Ullen a écrit le premier article recommandant que la publicité programmatique passe à un tout nouveau système d’enchères, et que les mises des annonceurs soient intégrées à une formule classique d’enchère au second prix. Les recommandations énoncées dans le présent article sur les réformes à apporter au système d’enchères sont sensiblement semblables.

Notes de bas de page

  1. Autrement dit, un soumissionnaire neutre en matière de risque devrait adopter une stratégie d’enchérissement visant à maximiser les profits. La neutralité par rapport au risque signifie que l’enchérisseur considère une probabilité de profit de 0,50 $ à 100 % comme identique à une probabilité de profit de 1 $ à 50 %. Ici, la notion de profit renvoie au surplus de l’acheteur. Le concept est pleinement applicable aux agents qui travaillent pour le compte d’un annonceur, car même dans un modèle totalement transparent, l’agent devrait essayer de maximiser le surplus de l’acheteur principal.
  2. On trouvera des précisions à ce sujet aux pages 6 et 7 de l’ouvrage de Paul Klemperer, « Auction Theory: A Guide to the Literature ».
  3. « WTF is header bidding? » de Digiday contient une explication détaillée.
  4. Les coûts des SSP pour mener une enchère interne et soumettre à l’éditeur sont fixes, mais leurs revenus varient en fonction du taux d’enchères remportées (« win rate ») et de leur offre moyenne. Par conséquent, toutes choses étant égales par ailleurs, la rentabilité des SSP diminue parallèlement aux taux d’enchères remportées. Dans un modèle au premier prix, les SSP ont une meilleure capacité à prédire si leur enchère la plus élevée leur permettra de l’emporter. Les SSP peuvent donc limiter leurs coûts en choisissant de ne pas participer aux enchères qu’elles ne remporteront probablement pas.
  5. C’est un secret de polichinelle dans l’industrie de la publicité. L’article d’Ari Paparo, « Waterfalling: A New Hope » contient un excellent résumé.
  6. Un autre avantage des 1PA pour les annonceurs est que leurs enchères deviennent plus compétitives par rapport aux achats en vente directe. Si la valeur de leurs enchères était réduite à cause d’une 2PA, ils pourraient perdre une enchère au profit d’un autre annonceur proposant une campagne de vente directe à CPM fixe.
  7. Dans son ouvrage « Auction Theory: A Guide to the Literature », Paul Klemperer donne une preuve détaillée du théorème de l’équivalence de revenu aux pages 35 à 39.
  8. Les 1PA attribuent toujours l’inventaire au plus offrant. Les 2PA programmatiques le font parfois, mais pas toujours. Cela signifie que même si les enchérisseurs des deux types d’enchères appliquaient une stratégie d’enchères optimale, les 1PA seraient attribuées au prix d’équilibre moyen le plus élevé.   
  9. Cela suppose que les autres enchérisseurs ont lu suffisamment de théorie des enchères pour comprendre que la stratégie dominante de la stratégie 2PA classique consiste à enchérir sur la vraie valeur. Si des enchérisseurs concurrents surenchérissent, ils grugent le surplus de l’acheteur qui l’emporte, mais c’est vrai pour toute forme d’enchère.   
  10. Erik Ekstrom examine un scénario connexe dans son mémoire, « Sealed-bid first-price auctions with an unknown number of bidders. » Ekstrom part de l’hypothèse stylisée que tous les enchérisseurs ont une évaluation commune de l’article mis aux enchères. Ce n’est pas descriptif de la dynamique d’une enchère portant sur un spot de pub, car les annonceurs attribuent des valeurs différentes à une impression d’utilisateur donnée. Même en acceptant cette hypothèse, Ekstrom ne trouve aucune stratégie d’offre optimale dans un contexte de 1PA si le nombre d’enchérisseurs concurrents est inconnu.
  11. Les observateurs avisés remarqueront que nos prix d’équilibre dans la cellule des offres fixes de 1PA fluctuent d’un éditeur à l’autre, ce qui ne devrait pas être le cas si on enchérissait une valeur cohérente dans une véritable 1PA. En effet, même si on a pris toutes les mesures possibles pour participer exclusivement à une 1PA, certaines 2PA se sont glissées dans cette cellule. Il est ironique de voir que cela vient confirmer la recommandation énoncée dans ce mémoire concernant la transparence des enchères validée par audit.
  12. Pour le dire de façon plus formelle : mettons que les valeurs privées suivent une distribution normale autour d’une médiane stable et que la stratégie prédominante dans une 2PA repose sur des enchères véridiques. Les prix uniformes dans une 2PA augmentent avec le nombre d’enchérisseurs participants.
  13. Page Statista sur les dépenses en annonces numériques aux États-Unis